C’est un échange vain et nécessairement infructueux que Guillaume Piot a entrepris il y a maintenant deux ans avec son défunt grand-père. Il reprend ses aquarelles et par dessus, vient mimer ses gestes, imaginer ses pensées, épouser ses volontés pour mieux deviner ses dires. En confondant leurs deux pinceaux, l’artiste poursuit ainsi un dialogue avec cet aïeul qui possédait lui aussi une pratique artistique. Mais contrairement au travail de Guillaume Piot, celui de son grand père était davantage silencieux, c’était une activité d’atelier que certains qualifieraient d’amateur, une pratique que l’on n’exposait pas ou trop peu. Memento Vivere propose alors une archéologie de sa mémoire, pose des questions à la fois sur la transmission qui lie deux générations mais plus largement aussi sur toutes et tous ces artistes dit.e.s du dimanche dont le souvenir s’évapore doucement.
Guillaume Piot leur dédie d’ailleurs une oeuvre qui les concerne plus frontalement. Son titre Hors l’Histoire fait directement référence à un article du critique d’art Roland Recht qui publiait en 2010 dans le Journal des Arts un texte sur ces peintre.sse.s en leur assignant ce terme. « Hors l’Histoire », comme autant de gestes vains qui ne sauront changer le cours du monde et finiront par s’évanouir dans les méandres de l’actualité. Pour représenter ces banni.e.s, Guillaume Piot utilise un étonnant médium : la clef de chassis. Ce petit triangle en bois dont on ne sait jamais trop l’utilité et qui permet  pourtant de tendre convenablement la toile sur le châssis. Ici agrégées, elles viennent former de drôles de personnages constituant ainsi des métonymies d’artistes. Pourtant, malgré les airs qu’ils empruntent aux marcheurs de Giacometti, leur avancée restera statique : leurs pieds sont emmurés, impossible pour eux de se mouvoir. Ici, tout est finalement question de disparition mais aussi de mémoire et de traces.
Avec l’oeuvre Ruine(s) le.a spectateurice est amené.e à s’interroger. Guillaume Piot nous met en mouvement pour mieux nous donner à penser. Dans une salle il laisse aux visiteurices la possibilité d’arracher le papier qu’il a fixé au mur. La dissonance cognitive est tout aussi violente qu’immédiate, la main hésite, ne sachant s’il est vraiment acceptable de détériorer une oeuvre qu’il nous est habituellement sommé de respecter, si ce n’est de sacraliser. Mais là n’est pas l’unique chemin réflexif qu’il nous est donné d’emprunter. Si toutefois nous décidons d’arracher cette feuille collée au mur, que restera-t-il aux prochain.e.s ? À force d’écouter nos seules envies, à force de ne prendre en compte que nos désirs, qu’allons-nous laisser à celles et ceux qui passeront derrière nous ? Sans doute qu’un champ de ruines. 
En fin de compte, le travail de Guillaume Piot porte essentiellement sur les traces qui nous ont été laissées et que nous même laisserons pour former une multitude de souvenirs. Mais peut-être aussi, plus discrètement, est-il là pour farder un souhait que l’on sent l’habiter, celui de laisser un jour, dans le creux d’une mémoire, le souvenir de son oeuvre.

Camille Bardin — Mai 2020
Un bestiaire d'aujourd'hui 
Sacré zoo que celui de Guillaume Piot qui transforme des politiques, sans visage mais reconnaissables, en rois d'une jungle qui pourrait bien figurer les Français !
Dessinateur à la mine affûtée, Guillaume Piot n’a pas choisi la zoomorphie pour tirer le portrait de ces animaux que sont pourtant les politiques : ne les compare-t-on pas à des éléphants quand ils avancent en troupeau monolithique, à de vieux renards quand la ruse le dispute au cynisme ou même à des singes de foire quand ils se moquent du monde ? 
Et finalement ne sommes-nous pas les spectateurs d'une sorte de foire aux bestiaux quand il s'agit de choisir celui qui a les meilleures dents pour croquer la France ou le plus beau panache pour la séduire ?
Passé maître en iconographie animalière Guillaume Piot revisite à sa façon les bestiaires d'antan. Son crayon est délicat mais souvent mordant comme ces pitbulls et gorilles qui se pressent auprès de Marine Le Pen. Et que dire de ces vautours qui encadrent François Fillon tandis que les oies sonnent l'alerte contre les attaquants ? Entouré d'une cour composite, ours, girafes, chameaux, Emmanuel Macron serre les poings tandis que Jean-Luc Mélenchon rejoue la liberté guidant le peuple au milieu de chèvres et de moutons. Arnaud Montebourg, lui, s'essaie à rivaliser avec un paon faisant la roue... quant à François Hollande, seul en son palais, il tente de se faire un cuir de rhinocéros... et tous les autres sont à découvrir, sourire aux lèvres, réflexion en tête. Ces politiques n'ont pas de visage, mais ils ont un nom grâce à ces "gentils animaux" qui les entourent pour leur offrir un peu de leur mental.
Guillaume Piot cache un humour féroce sous des traits raffinés, ce qui fait la force et l'originalité de son dessin. On ne verra plus la politique de la même façon.
Florence Muracciole - Journaliste - 2017
L’homme, Territoires et Identité.
Les limites de mon travail sont difficiles à cerner. Mon travail joue avec la polymorphie des supports. De la peinture au dessin et l'installation, ma pratique s'adapte au concept et à la sensibilité du projet. Très influencé par l'étude anthropologique "Une brève histoire des lignes" de Tim Ingold, le trait, la ligne, la frontière sont des éléments formellement constitutifs de mon oeuvre.

Du dessin à la peinture, de l’installation à la sculpture, les allers retours sont nombreux, qui constituent parfois des voies parallèles comme avec Skyless et Trace(s) ou parfois en confrontations formelle comme Les Hors L’Histoire.
Toutes mes œuvres ont pour sujet l’homme et son identité ainsi que le rapport de l’homme aux territoires. J’entends par territoire tout ce que l’être humain entend pouvoir s’approprier ou conquérir. Pour moi il peut s’agir d’un espace physique comme d’une autre personne. Cela peut être un espace physique comme avec la nature, la définition de limites arbitraires comme avec la série Frontière(s), les interventions physiques de l’homme sur la nature avec la série Trace(s). Cela peut être aussi un monde entier (animal ou spatial) ou le pouvoir qui représente pour moi la conquête d’un territoire sur autrui, le territoire de la mémoire collective, l’Histoire, et la volonté d’y creuser son sillon, métaphore agricole mettant en lumière l’aspect territorial de l’Histoire.
Je mets en exergue le rapport de l’homme aux territoires, son fractionnement, les traces qu’il y laisse, l’identité qui s’en dégage.
Guillaume Piot
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